À mon réveil Max n’était plus là. En me redressant j'observais le crépuscule au loin. Il faisait presque nuit. Je devais rentrer au plus vite avant que les portes de Prédoré ne ferment. Je pris mes jambes à mon cou pour retourner au village, mais alors que tout était calme hormis la frénésie de mes pas sur cette terre peu fertile, j’entendis comme un frémissement tout près derrière moi. Je me stoppais net et me retournais pour voir qu’il n’y avait rien ni personne. Mon sang se glaça. Qu'est-ce que cela pouvait être ? Je commençais à me remettre à courir lorsque je perçus à nouveau ce frémissement, sauf que cette fois cela se déplaçait. Quelque chose me poursuivait, mais impossible de savoir quoi. Éffrayé et sans m’arrêter je tentais de me retourner, mais toujours rien. J’aperçus le village et continuais ma course jusqu’à arriver tout près des portes et lorsque les gardes me virent arriver, ils se mirent en ligne comme pour m’empêcher de rentrer. Je sentais mon cœur battre à la chamade, le cumul entre l’effort physique, la peur et le stress le mettait à rude épreuve :
- Halte là ! hurla l’un d’entre eux.
Je m’arrêtais à peine quelques pas devant eux. Le bruit de mon poursuivant s’arrêta lui aussi, je me retournais et vît enfin qu’à la lueur du village ce n’était finalement qu’un petit écureuil noir. L’inquiétude qui me nouait l'estomac s'envolait tout à coup. Il me fixait intensément avec ses yeux jaunes qui ressortaient de l’obscurité de la nuit. Même si il était inoffensif, son regard me mettait mal à l’aise. Il finit par s’enfuir à la vue des gardes, qui eux m’observaient d’un air intrigué ...

Vu de l’extérieur, on pouvait observer les lumières tamisées qui sortaient de par les fenêtres, l’endroit avait l’air calme. Sur la devanture au-dessus de la porte, je ne m’étais jamais aperçu du petit écriteau sur lequel on pouvait lire «Le chaudron fumant ». En entrant l’écriteau prit tout son sens. La fumée était si dense que je sentis un léger picotement au niveau du nez et des yeux.
Quelques musiciens jouaient une entraînante mélodie en air de fond. Il n’y avait pas foule, mais quelques tables étaient bien remplies. L’homme qui se tenait derrière le bar me fit signe d’avancer vers lui :
- C’est bien la première fois que j’te vois ici toi. Et on n’sert pas les jeunots ici. Donc si le m’sieur veut à boire, il n’aura que de l’eau.
- Non, non ! Je suis venu pour rencontrer quelqu’un. Vous avez peut-être vu un homme particulièrement grand entrer ici, non ?
- Ah oui, il s’est installé là-bas, fît-il en désignant la table du doigt : Au fond à droite avec son ivrogne d’ami.
En me retournant je l’apercevais devant son verre encore plein, et à côté de lui son ami qui était petit, très petit. Pourtant il devait bien avoir au moins la trentaine, avec sa grande barbe marron, ainsi qu’une moustache épaisse et son visage grossier. La différence de taille le faisait paraître à un nain à côté de Gannak. Alors que je m’approchais de leur table, ils relevèrent la tête de leur verre.
- Ah c’est toi ! Tu es venu, Léodias c’est ça ?
- Oui c’est ça.
- Et je te présente …
- Lenny ! Moi c’est Lenny mon p’tit. Il avait l’air d’avoir déjà pas mal bu avant mon arrivé, ça se voyait car ses gestes se résumaient en une débâcle de mouvements mal maîtrisés.
- Oui, mais ne fais pas attention à lui, ajouta Gannak.
- Lenny est un nain n’est-ce pas ? Il vient des mines du Rockdor ?
- J’suis p’tètre un nain, mais je sais me défendre. Crois-moi ! rétorqua-t-il.
- Oui en effet, mais ne te fies pas à leurs tailles, les nains sont de grands guerriers, assura-t-il : Mais ils ont aussi un penchant pour …
- TAVERNIER ! MA CHOPPE EST VIDE ! s’écria le nain en levant son verre.
- Enfin tu m’as compris, ajouta Gannak avec un petit sourire en coin.
- Pas la peine d’hurler, lui répondit l’homme au comptoir de l’autre bout de la pièce. Tant que vous avez de quoi payer je veux bien vous servir autant de fois que vous voulez. Il s’approcha pour lui remplir à nouveau son verre. Le nain en repris une gorgée puis s’affala sur la table. Le bruit engendré par sa tête heurtant la table attira l’attention, et provoqua quelques moqueries.
- Bon alors, qu’est-ce que tu veux savoir Léodias, reprit Gannak. J’ai déjà beaucoup voyagé alors peut-être que je pourrais répondre à tes questions ...

- Qu’est-ce que….
- Chut ! Me coupait-elle d’un ton sec
Elle scrutait les environs et semblait aux aguets, prête à réagir. Je commençais à percevoir des bruits venant d’en face. Des bruits de pas très lourds, qui se rapprochaient à grande vitesse. En quelques secondes, ce tumulte grandissant était tout proche, la terre tremblait au rythme des secousses qui s’approchaient rapidement de nous.
« Qu’est-ce que c’est que ça ?»
Toutes les fibres de mon corps me hurlaient de partir, mais rien n'y fit je restait planté là sans réagir. Impossible d'effectuer le moindre mouvement.
Lumen en un seul coup me propulsa violemment en arrière. La pression de sa main sur mon torse était telle qu'elle me fît tomber dans l’herbe humide à quelques mètres plus loin à hauteur de Max lui même interloqué. J’eus à peine le temps de relever la tête, que j’apercevais une grosse hache. Tachée de sang et tenue par un bras énorme qui sortait des feuillages de devant avec pour cible, Lumen. Elle esquiva le coup d’un pas chassé rapide et la hache vînt s’écraser avec force dans la terre.
- Un centaure ! m’écriais-je
- Nous somme perdu, hurla Max terrorisé.
Je me rappelais alors ce qu’Adrien m’avait dit. Pourquoi nous étions nous lancé en pleine forêt en sachant les dangers qui nous attendaient ? Il était désormais visible entièrement, essayant de retirer son arme planté au sol avec conviction. Il était gigantesque, parfaitement semblable à celui que j’avais vu dans le livre. J’étais pétrifié à l’idée que cette créature nous attaquait. Nous n’avions plus aucune chance de nous en sortir. J’étais littéralement cloué au sol par la peur. Tout est allé très vite, Lumen profitant que le centaure se démenait avec sa hache planté dans le sol, recula de quelques pas.
- Reculez-vous, et restez bien derrière moi surtout ! proclama-t-elle avec un regard insistant.
- Quoi ? Tu es folles, tu ne vas quand même pas…
Elle fronça alors ses sourcils et pris un air beaucoup plus menaçante, ce qui me fit taire. Je reculais comme elle me l’avait ordonnée. Le centaure arracha enfin sa hache du sol, et s’avança à nouveau vers nous en grognant.
« Elle va se faire tuer ! Et je ne peux rien faire pour l'aider. »
Lumen leva alors les bras tendu à chaque extrémité de son corps, les paumes de ses mains tournées au sol et les doigts bien écartés et cria :
- Aquasphère !
Une onde de choc s’émanait d’elle. Faisant trembler de nouveau la terre aux alentours, et provoquant un souffle qui balayait mes cheveux un instant. Les fines gouttelettes d’eau accrochées aux herbes et aux feuillages des environs s’élevèrent, puis vinrent s’envoler autour du corps de Lumen. De plus en plus de gouttes se réunissaient autour d’elle jusqu’à former une sphère impressionnante qui l’immergée entièrement et qui l’entourait comme un bouclier. Le centaure resta figé un moment, la sphère s’arrêta de grandir.
« Pourquoi cela ne semble pas la gêner. Est-ce de la magie ? »
Le centaure se rua sur elle avec hargne, les coups de sa hache transperçaient l’eau avec difficulté, et n’atteignaient pas la jeune femme. Elle se retranchait à chaque coup, et arrivait à les éviter avec une facilité déconcertante. J’étais ébahi par ce spectacle. Elle était en train de risquer sa vie en combattant un centaure pour nous protéger. Comment est-ce qu’une personne qui avait l’air si frêle que Lumen puisse tenir tête à ce genre de créature ?
Je m’étais relevé pour admirer le combat en m’éloignant un peu par précaution. Le centaure mis un coup qui fut ralentit par l’eau, Lumen en profita pour bondir hors de sa sphère jusqu’à hauteur de son torse pour lui asséner un coup de poing et s’y réfugia aussitôt. Les mailles de ses gants avaient transpercés le centaure. Il poussa un cri strident, et repartit de plus belle, elle esquiva et lui donna un autre coup au genou, et encore un. Elle esquivait tout avec aisance.
- Attention ! s’écria Max.
Le centaure s’était élancé dans un grand saut et fît un grand mouvement circulaire des deux bras pour découpé la boule entière. Lumen se laissa glisser derrière la sphère qui se brisa sous la force du coup. Les centaines de litres d'eau restaient en lévitation pendant une fraction de seconde, avant de s'écrouler au sol en éclaboussant les deux opposants. Lumen était méconnaissable. Elle s'était recourbée vers l'avant, les bras bien dégagés de son corps et ses genoux légèrement fléchis. Ses cheveux bleus trempées pendaient de part et d'autres de sa tête. Ses vêtements lui collaient à la peau et soulignaient ses belles formes de jeune femme.
Puis la hache se souleva de nouveau, elle semblait ne plus pouvoir se défendre. Le centaure était totalement enragé, incontrôlable. Elle mit alors ses deux mains en opposition et une couche d’eau apparue devant ses mains pour repousser le coup puissant malgré la force du centaure. L’eau retomba et Lumen se précipita en juste en dessous pour lui asséner le coup de grâce dans son abdomen, qui virait au rouge désormais éclaboussé par son propre sang. Les mailles du gant avaient gravement endommagé la bête cette fois. La blessure était plus importante, elle s’étendait sur tout le haut de son corps et un nouveau cri encore plus aigüe avait fait s’envoler les oiseaux aux alentours. Il ne tomba pas mais titubait sur ses quatre pattes. Tremblotant, il décida de galoper pour s'enfuir, suite à ce terrible dernier revers...